Andréane Leclerc ou le laboratoire physiologique derrière Nadère arts vivants

Publié le 15 novembre 2017 par Frédéric Bourgeois-LeBlanc
Photo: andreaneleclerc.blogspot.com

En vue du Rallye des Arts 2017, l’équipe de la Brigade Arts Affaires de Montréal (BAAM) s’est entretenue avec les artistes qui prendront part à cette expérience. Ces créateurs, proposant dans chaque cas une forme d’art tout aussi unique qu’originale, ont accepté de nous présenter leur démarche avant de monter sur scène.

C’est dans un charmant appartement non loin du Marché Jean-Talon, converti en studio, que j’ai pu rencontrer Andréane Leclerc, la présidente et fondatrice de la compagnie Nadère arts vivants. Au-dessus d’une tasse de thé vert, après avoir donné un cours à une élève, elle m’a révélé qu’elle idéalisait sa démarche, non pas comme une performance, mais plutôt comme un dialogue avec le public, par la voie du corps et de la contorsion.

Photo: Frédéric Bourgeois-LeBlanc

Qui est Andréane?
Fondatrice de Nadère arts vivants, Andréane Leclerc a débuté la contorsion à l’âge de 9 ans. Concevant la contorsion comme une technique corporelle malléable capable de générer un monde de sensations et d’images mentales chez le spectateur, au-delà du spectaculaire, elle crée aujourd’hui des pièces expérimentales circassiennes ainsi que des performances conceptuelles – Di(x)parue, Cherepaka, Insuccube, Mange-moi, Bath House, Corps sculptural. Andréane manifeste un intérêt particulier pour la scène edgy et marginale, celle qui aime repousser les limites (cabarets, Edgy Women Festival, Short & Sweet, Piss in the Pool, Salon K). En plus, elle continue d’interpréter pour des chorégraphes et metteurs en scène tels que Dave St-Pierre, Angela Konrad et Peter James. En 2013, elle a complété une maîtrise en théâtre sur la dramaturgie de la prouesse, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), sous la direction de Marie Christine Lesage.
*Source : nadereartsviviants.com 

Pas une performance scénique, un laboratoire  
Elle a trouvé le terme « Nadère » pour définir son mouvement artistique, puisqu’il évoque les termes « serpent » et « vipère », en plus d’être une anagramme d’« André », le prénom de deux personnes qui l’ont profondément inspirée. On dit qu’un serpent peut mordre sa queue, c’est un beau symbole de continuité circulaire, en accord avec la mission de Nadère. « Le concept du serpent, de la queue et de la mise en danger, c’est justement ce sentiment d’être constamment dans un processus de renouveau, artistiquement parlant», m’a-t-elle dit.

Démystifier son corps et repousser ses limites
Pour elle, il s’agit de faire la «démystification de la contorsion du corps» par le mouvement, c’est-à-dire d’apprendre à comprendre le dialogue intérieur de notre corps et ainsi mieux saisir notre anatomie en général. «L’anatomie est ici l’outil d’écriture scénique». C’est ce qu’elle tente d’aborder, en ce moment avec ses élèves.  Contrairement au cirque ou à la danse, repousser ses limites ne se fait jamais lors de la prestation officielle, mais plutôt en entraînement, lieu propice à l’expérimentation corporelle. La contorsion exercée avec un public se veut davantage une invitation au dialogue, alors il est du devoir du public de créer une ambiance et de faire part de leurs émotions.

Elle le dit de prime abord, son approche n’est jamais de disloquer des membres! Elle possède une compréhension assez poussée du tendon et de son fonctionnement pour comprendre comment repousser les limites du corps humain, sans briser sa structure. « Le truc n’est pas de stresser mon corps, parce que lorsque le muscle est stressé,  il se rétracte ». L’objectif est d’être en harmonie avec notre corps, et c’est ça la chimie qu’elle souhaite étudier avec ses artistes.

Ce que Montréal lui apporte, à titre d’artiste 
«Montréal est hyper vibrant! Il y a toujours quelque chose qui m’y ramène, même si je pourrais être n’importe où ailleurs. Il y a une richesse et des découvertes qui dorment». Elle a appris à aimer Montréal pour ses tabous, mais aussi pour le grand mystère qui plane au-dessus de notre patrimoine culturel et de notre histoire, notamment nos églises, nos historiens, nos parcs, etc. «J’ignore si j’ai une mission envers mon patrimoine culturel en étant ici, mais il est important d’y réfléchir, même si je ne suis pas ambassadrice». Donc, il suffirait de déconstruire le spectaculaire pour favoriser un processus de réflexion sur les formes d’art non conventionnelles, comme celle que propose Nadère arts vivants. C’est peut-être notre mission collective, assurer cette visibilité à l’art émergent, qui n’est pas encore perçu comme « conventionnel » selon les masses. Voilà un défi intéressant pour Andréane, qui s’y donne à cœur joie!

Que verrons-nous le 22 novembre ? 
Je lui ai demandé si elle souhaitait nous révéler quelques détails sur sa « performance » réservée pour le Rallye des Arts. Cependant, voulant garder du mystère, elle me dit: « c’est un début de recherche… [rires] ». Serons-nous les rats de laboratoire pour une prochaine expérience physiologique ? Comment voudra-t-elle impliquer son public dans son processus créatif ? Une chose qui est certaine, l’événement de BAAM sera une plateforme de lancement pour une expérience hors du commun. Telle la continuité suggérée par le serpent mordant sa queue, formant une image circulaire constamment en mouvement, le mot d’ordre ici est « renouveau ».

*Pour plus d’information sur l’artiste et son travail, nous vous invitons à consulter son site Internet : http://nadereartsvivants.com/

Frédéric Bourgeois-LeBlanc Billet par : Frédéric Bourgeois-LeBlanc