Le Rallye des Arts au Monument-National : Là où les récits sont des déclencheurs multi sensoriels

Publié le 12 décembre 2016 par Frédéric Bourgeois-LeBlanc
Rallye des arts
Crédit photo : Charles Bélisle

Le 30 novembre dernier au Monument-National, j’ai eu le plaisir de participer à mon tout premier événement de BAAM. Me voilà enfin initié en bonne et due forme ; je suis maintenant un drôle de passionné qui partira à la recherche des expériences artistiques les mieux cachées en ville. Nous avons fait l’expérience unique d’une virée dans le monde de l’art contemporain.

La soirée prenant la forme d’un rallye, nous étions divisés en groupe puis invités à vivre un enchaînement de cinq performances artistiques. Par un heureux mélange de danse contemporaine, d’art dramatique, d’art du conte, d’art de la chanson ainsi que d’art interdisciplinaire, le Rallye des Arts nous a offert un parcours digne d’un festival interactif où le public est autant acteur que spectateur. 

Débutons par la première performance de la soirée, gracieuseté de l’équipe de Tangente et son directeur Stéphane Labbé. Un seul artiste, du nom de Grégory, nous attendait, seul sur scène, avec un grand sourire. Personne ne savait vraiment ce qui allait se passer… et c’est à ce moment qu’il a commencé à nous parler, tout simplement. Il a raconté son histoire tout en illustrant ses propos à l’aide de mouvements de danse et de contorsion. Un récit de science-fiction sur la place de l’homme dans l’Univers, à en faire sourire Stephen Hawking, nous a été livré de manière « physique », transformant les paroles de l’artiste en symboles vivants, nous donnant donc l’impression que le sens de ses propos prenait vie. Mon segment préféré était la fuite d’oxygène dans la capsule spatiale, faisant ainsi tourbillonner Grégory dans tous les sens, comme si un membre du USS Enterprise avait été éjecté dans le néant. Bref, un récit littéralement en mouvement nous plongeant dans la tête de l’artiste et ses fantaisies. 

Rallye des arts / Tangente
Crédit photo : Charles Bélisle

Mon groupe a été ensuite « enfermé » dans l’impressionnante salle Ludger-Duvernay du Monument-National où une charmante professeure de l’École nationale de théâtre nous attendait. Selon elle, la meilleure manière de nous présenter l’École et sa mission, c’est de nous y tremper les pieds pendant une trentaine de minutes. En d’autres mots, nous étions donc lancés dans la cage aux lions, tous ensembles sur scène, avec une réplique en main. De Molière à Shakespeare, en passant par Edmond Rostand, c’était l’occasion pour chacun de projeter sa voix et de laisser sa folie prendre le contrôle après une longue journée au bureau. Je me suis retrouvé avec une réplique du très méchant et machiavélique Macbeth, un récit qui m’a poussé à laisser sortir mon côté frustré qui était bien dissimulé. Bref, encore une fois, une simple mise en situation, aussi courte qu’elle soit, nous a permis de mieux cerner les défis du théâtre et les bienfaits du « laisser-aller ». Comme notre formatrice, mon coup de cœur a été de découvrir à quel point tout le monde, même pour ceux dont c’était une toute première fois sur scène, cache un petit talent de comédien ou comédienne.  

Rallye des arts / École nationale de théâtre du Canada
Crédit photo : Charles Bélisle
Rallye des arts / École nationale de théâtre du Canada
Crédit photo : Charles Bélisle

Les jambes dégourdies et le plaisir qui commençait à se faire voir sur tous les visages, nous avons continué notre route pour aller rencontrer Les Filles d’Aliénor, une compagnie spécialisée dans l’art du conte, dont deux représentantes nous attendaient. Deux conteuses, Céline Jantet et Stéphanie Bénéteau, nous ont livré deux performances très différentes, mais ô combien rafraîchissantes des contes traditionnels ! Imaginez le conte du Petit Chaperon rouge mélangeant le jargon québécois des Îles ou de la Gaspésie (en réalité du vieux patois vendéen de France) avec une tournure plus « trash », violente et féministe, là où le chaperon peut en sortir gagnante, ainsi qu’un récit érotique chinois avec des métaphores d’une grande beauté ! Nous avons revisité deux genres différents, mélangeant les inconforts des tabous avec la puissance des mots pour remplir un objectif : nous faire visualiser ces histoires le plus réellement possible. À mon sens, c’était essentiellement réussi par la passion et la candeur de leur prestation, ce qui venait renforcer la force des mots et des métaphores dans ma tête. Je ne peux me prononcer pour les autres autour de moi, mais c’est passionnant de voir à quel point une simple variation en termes de lexique peut nous conduire vers une tout autre ambiance. 

Rallye des arts / Les Filles d'Aliénor
Crédit photo : Charles Bélisle

Au quatrième stop, le jeune auteur-compositeur-interprète David Fleury nous attendait assis sur une chaise dans la salle de répétition du Monument-National, une grande salle qui faisait penser à l’arrière-scène, son étui à guitare ouvert et orné de guirlandes de Noël. La présence d’un musicien dans la pièce nous laissait croire qu’il allait nous jouer ses morceaux de guitare, accompagnés par sa voix, pendant notre visite… mais non ! Encore sous le même registre, David a opté pour la prise de parole pour nous raconter son histoire, tout en chantant quelques morceaux pour nous présenter son style musical. Abordant le contexte de l’industrie du disque au Québec et l’acharnement des artistes pour se trouver des occasions de se faire entendre du grand public, sa transparence et sa personnalité invitante nous ont permis de vivre ses expériences avec lui, je dirais même avec émotion. Participant de l’émission La Voix en 2014, David nous a livré un beau discours de confiance, nous responsabilisant encore davantage dans la promotion de la culture au sein de la société québécoise et avec l’aide du secteur privé, incluant le socio financement. Il n’y avait pas de personnage mis de l’avant, le personnage c’était lui et il est clair que la connexion s’est faite naturellement avec tout un chacun. 

Rallye des arts / David Fleury
Crédit photo : Charles Bélisle

Pour conclure ce labyrinthe expérientiel en beauté, La Serre – arts vivants, qui produit le festival OFFTA, nous attendait avec un shooter alcoolisé et un haricot emballé dans un papier (afin de semer l’art où nous pensons qu’il pourrait grandir) pour nous faire part de leur univers : un monde où plusieurs formes d’art peuvent être explorées en une seule performance. Lors de mes études en communications à l’Université Concordia, l’un de mes professeurs avait nommé cette forme d’art « Intermédia » : un procédé où plusieurs médiums peuvent être utilisés pour livrer un seul et même message artistique. Je crois que ce concept s’applique bien à la mission de La Serre. Bien sûr, ils avaient le nécessaire pour nous expliquer ce qu’ils voulaient dire en nous laissant entre les mains de la brillante Mykalle Bielinski. La force de Mykalle ne réside pas uniquement dans sa voix « cathédrale » d’une force extrême, mais aussi dans sa capacité à manipuler simultanément sa console programmable et son MacBook pour nous offrir une séquence vidéo projetée sur le mur, accompagnée d’une trame musicale mixée sur place. Le mishmash de sa voix, le mix musical et le montage vidéo nous donnaient l’impression d’être en hypnose devant un paysage de l’Amérique du Sud. Des interférences sonores venaient s’ajuster à la voix de l’artiste pour livrer un récit hautement imagé et sonore qui nous a permis de faire le saut avec elle dans un monde artistique peu conventionnel.

Rallye des arts / LA SERRE arts vivants
Crédit photo : Charles Bélisle
Rallye des arts / LA SERRE arts vivants
Crédit photo : Charles Bélisle

C’est un cas typique de « faut le voir pour le croire », mais je peux affirmer avec certitude que BAAM a réussi à me faire me questionner sur les nouvelles formes d’art contemporain, toutes formes confondues, et la puissance de leur message.

Un texte de Frédéric Bourgeois-LeBlanc, relationniste pour la firme de relations publiques Citoyen Optimum à Montréal et collaborateur de BAAM. 

Frédéric Bourgeois-LeBlanc Billet par : Frédéric Bourgeois-LeBlanc